samedi 11 août 2007

Pour ou contre la circoncision?




Coutume Acte médical inutile, voire dangereux et contraire aux droits de l’enfant, ou pratique bénigne et hygiénique? Le débat est lancé. Par Yann BarteLa question peut sembler étrange. Pourtant, elle fait débat en France, dans les couples mixtes notamment. Des hommes, des femmes de toutes origines ou religions s’interrogent sur le bien-fondé de cette pratique ancestrale. D’un côté, les personnes qui s’y déclarent favorables avancent des raisons religieuses, de traditions ou d’hygiène, et sont parfois soutenues par un monde médical qui peut y trouver son intérêt. De l’autre, les antis dénoncent une atteinte à l’intégrité du corps, une violence physique et psychique au nom d’un rite, et un “marquage” communautaire ou religieux qui ne respecte pas la liberté de conscience. La question de l’abolition de la circoncision est donc posée, souvent sous la forme d’un plaidoyer en faveur de l’enfant. Aux Etats-Unis, la circoncision, pratiquée systématiquement jusque dans les années 70, est en régression constante. Un nombre croissant d’hommes s’élèvent contre ce qu’ils considèrent comme une mutilation et demandent réparation. Le Canada et l’Europe s’interrogent également, et des associations abolitionnistes voient le jour. Plus récemment, l’OMS est venue apporter de l’eau au moulin des défenseurs de la circoncision qui diminuerait – sans les supprimer – les risques de contamination par le sida (le préservatif restant le seul rempart efficace). La circoncision reste une opération comportant des risques: souffrance au moment de l’opération, syncopes (dans le cas de non-anesthésie), risques d’hémorragies postopératoires, infection, inflammation, complications urinaires et, dans quelques cas, castration accidentelle (lors de circoncision collective dans des hôpitaux, par exemple), voire mort (hémophiles notamment).La circoncision a son histoireL’origine de la circoncision se perd dans la nuit des temps. Rite de passage chez les pharaons, elle était même pratiquée, avancent certains, au néolithique. Y a-t-il eu une circoncision chrétienne? D’où vient cet usage ? Des débats anciens sur la circoncision (l’homme serait-il une création aussi imparfaite qu’il faille la corriger ?) aux pratiques chez les animistes, les juifs ou les musulmans, Malek Chebel interroge cette pratique qui n’est pas observée dans le seul contexte religieux. En s’appuyant sur des textes sacrés, littéraires, ethnographiques, il explique les enjeux symboliques de ce rituel qui, étonnamment, ne semble pas passionner les chercheurs.Histoire de la circoncision, Malek Chebel, Ed. Perrin, 20 €
PourLa circoncision réduit d’environ 60 % les risques de transmission hétérosexuelle du VIH à l’homme Isabelle de Zoysa, médecin et conseillère principale en matière de VIH (Organisation mondiale de la santé) Nous sommes assez impressionnés par les possibilités qu’offre la circoncision dans les pays très affectés par le sida. Les trois essais réalisés au Kenya, en Ouganda et en Afrique du Sud ont démontré que la circoncision réduisait d’environ 60 % les risques de transmission hétérosexuelle du VIH à l’homme. Suite aux résultats rendus publics cette année, l’Organisation mondiale de la santé a donc décidé de préconiser la circoncision dans ces pays à fort taux d’infection. La circoncision ferait ainsi partie d’un ensemble complet de prévention, avec la promotion du dépistage du sida, des préservatifs masculins et féminins, du traitement des infections sexuellement transmissibles… Il faudra bien sûr faire attention à la communication. Le message doit être clair: la circoncision ne protège pas, elle ne fait que réduire les risques. Pour l’instant, nous étudions donc les possibilités de promouvoir la circoncision dans les pays très affectés par le VIH (où la prévalence est au-dessus de 15 %). Attention aux conditionsNous ne cherchons pas à promouvoir cette pratique dans tous les pays, notamment pas ceux à prévalence très basse (au-dessous de 1 % par exemple), ce qui est le cas de la plupart des pays industrialisés. Pour ces pays, les autres mesures peuvent suffire. A l’OMS, nous avons donné des recommandations pour que la circoncision soit pratiquée dans les meilleures conditions aseptiques et sanitaires. Les risques liés à la circoncision demeurent alors en dessous de 2 %, selon une étude réalisée sur des milliers d’hommes. Ce n’est pas le cas des circoncisions pratiquées dans des secteurs traditionnels aux conditions sanitaires souvent précaires. Les conséquences peuvent alors être graves, voire mortelles. La circoncision chez le nouveau-né (dans les premières semaines de la vie) est généralement plus bénigne. Elle est aussi plus facile à réaliser et les risques de saignement sont alors moindres. La circoncision peut se faire sous anesthésie locale, pas nécessairement à l’hôpital, mais toujours par une personne formée et en milieu sanitaire. Le patient doit aussi nécessairement être suivi après. Il peut en effet se produire des problèmes d’infections, de cicatrisation… L’OMS n’avait jusqu’à présent jamais préconisé la circoncision pour des raisons de santé publique. Nous ne l’aurions jamais fait pour des questions d’hygiène, par exemple: l’eau et le savon marchent très bien aussi! Quant aux infections sexuellement transmissibles, nous n’avons aucune donnée sur le sujet. L’islam n’impose pas la circoncision C ontrairement à la croyance populaire, la circoncision, pratique antéislamique, n’est pas préconisée par le Coran. Elle n’est en effet qu’un rituel symbolisant la descendance d’Abraham et l’entrée dans la Oumma (communauté des croyants). On prête pourtant à plusieurs hadiths des propos qui encourageraient cette pratique.
ContreEst-ce le rôle d’un médecin de porter atteinte à l’intégrité physique d’un enfant pour des motifs n’ayant rien à voir avec la santé? Linda Weil-Curiel, avocate, secrétaire générale de la Cams (Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles) Notre association, créée en 1982 par l’auteure sénégalaise Awa Thiam, a pour objet de lutter contre l’excision. Ce travail nous a menés à une réflexion plus générale sur les mutilations. Il n’est pas question, bien sûr, de comparer l’excision et la circoncision. La circoncision altère l’organe, non la fonction. S’il fallait trouver un équivalent à l’excision, ce serait l’ablation du gland de l’organe masculin, voire l’émasculation. L’excision est un contrôle du plaisir destiné, en principe, à garantir la chasteté puis la fidélité de la femme tout en lui conservant sa fonction d’enfantement. La circoncision n’a donc rien à voir avec ces notions. Parmi ses effets, il y aurait une diminution de la sensibilité qui permettrait de maintenir plus longtemps l’érection... Je suis contre la circoncision infligée à des enfants, s’agissant d’une pratique sans nécessité thérapeutique (sauf exception). J’ai été contactée par des hommes circoncis qui se sentaient mutilés et m’interrogeaient sur la possibilité de porter plainte. Alors que l’excision relève du criminel (de la cour d’assises), la circoncision ne peut relever que du délictuel (du tribunal correctionnel). La circoncision n’est pas l’ablation de l’organe, mais d’une partie de son enveloppe cutanée. Des poursuites pourraient être envisagées du chef de violences avec préméditation sur mineur. Une pratique invasive Se poserait alors la question de la prescription. Le délai pour agir est de trois ans. Si la victime était mineure, ce délai ne court qu’à compter de sa majorité. Il n’y a pas eu, à ma connaissance, de plaintes déposées jusqu’ici. Rien ne justifie pour moi cette pratique sur un mineur qui n’a pas son mot à dire. S’il en va tout autrement pour un majeur, qui adhère aux préceptes religieux ou culturels qu’il choisit, est-ce vraiment le rôle d’un médecin de porter atteinte à l’intégrité physique d’un enfant pour des motifs n’ayant rien à voir avec la santé? C’est quand même une pratique beaucoup plus invasive que de simplement couper un ongle! C’est aussi, enfin, une pratique qui impose un moule social dans lequel l’enfant doit se couler. Cette notion de communauté dans laquelle on se trouve propulsé, du simple fait de sa naissance dans tel ou tel milieu, me gêne beaucoup. Comment développer chez quelqu’un tout l’éventail de ses possibilités si, d’emblée, on l’enferme dans un schéma, la circoncision ne représentant qu’un élément de cet enfermement? Je trouve cela dommageable pour la personne et pour la société.
lecourrierdelatlas

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